Depuis le travail fondateur de Mark Granovetter sur l’accès à l’emploi de cadres de la banlieue de Boston, les études sur l’encastrement du marché du travail dans les réseaux sociaux se sont multipliées. Toutes convergent sur le constat qu’une part importante des accès à l’emploi s’appuie sur des relations interpersonnelles, soit que ces relations soient décisives dans l’obtention d’informations sur les postes (pour les futures personnes recrutées) et sur les candidatures possibles (pour les personnes qui recrutent), soit qu’elles débouchent sur des recrutements directs (si les personnes concernées se connaissent déjà) ou que des recommandations par des intermédiaires aboutissent à l’embauche. La proportion des emplois obtenus sur la base de relations personnelles varie selon les méthodes étudiées et les terrains d’étude mais elle est souvent importante. Dans cet article, nous étudions les chaînes relationnelles d’accès à l’emploi à partir d’une enquête par questionnaire effectuée en 2018 au-près d’un échantillon de 1676 personnes représentatives de la population résidant en France métropolitaine. L’analyse de ces données con-firme l’importance des chaînes de relations dans l’accès à l’emploi en France, avec des variations selon les caractéristiques des personnes, les plus diplômées mobilisant les relations plus que les autres. Cette analyse porte également sur la longueur des chaînes, qui varie en […]
Cet article porte sur les dynamiques de l’encastrement relationnel des créateurs et créatrices de plateformes numériques dans le secteur agricole français, entreprises qui se sont considérablement développées ces dernières années. A partir d’une analyse qualitative et quantitative reposant sur des données mixtes collectées auprès d’entrepreneur.e.s, nous observons d’abord un processus de découplage, qui est majoritaire parmi les entrepreneur.e.s rencontré.es. Ces dernier.e.s n’échapperaient donc pas à la dynamique propre à « l’activité entrepreneuriale », à savoir le recours de plus en plus faible aux relations personnelles à mesure que l’entreprise se développe, phénomène qui a déjà été documenté par de nombreuses études. Toutefois, une analyse plus fine des profils montre que le taux d’encastrement d’une partie non négligeable des enquêté.e.s s’écarte de la distribution générale, ce qui interroge les conclusions d’ensemble. Un type de profil retient notamment notre attention, pour lequel le taux d’encastrement progresse au fil du temps. Nous montrons dans cet article que si cela est le signe pour certain.e.s d’une baisse d’activité de l’entreprise, pour d’autres il pourrait s’agir d’un mode original de développement. La singularité du monde professionnel sur lequel porte notre analyse (les mondes agricoles) et du type d’entreprise créée pourrait alors expliquer de tels résultats.
Cet article se fonde sur une recherche participative avec des jeunes habitant·e·s d’un quartier populaire de juin 2018 à juillet 2019 auprès de personnes ayant grandi ou vivant dans leur quartier et travaillant, pour comprendre leurs cheminements professionnels. Une partie des personnes interrogées ont expliqué avoir eu l’impression d’être assignées à des emplois précaires et peu valorisants, avoir dû faire preuve de plus de persévérance pour ne pas être réduites à ce futur que leurs proches, mais aussi les institutions jugeaient probable. L’analyse en termes de chaînes relationnelles, en particulier avec la méthode des narrations quantifiées, permet de comprendre comment se construisent les situations de précarité et d’exclusion et le rôle des dispositifs et des proches pour en sortir.
L'action collective entre agriculteurs est régulièrement présentée comme un levier pour la mise en oeuvre de changements de pratiques agroécologiques dans les exploitations agricoles. Cette étude propose d'ouvrir l'analyse des déterminants relationnels dans l'adoption de changements de pratiques au-delà des groupes de pairs en s'intéressant à leur organisation collective autour de filières territoriales faisant intervenir d'autres acteurs. Pour ce faire, la méthode des narrations quantifiées a été mobilisée dans le cadre d'entretiens semi-directifs menés auprès des 8 agriculteurs membres d'un collectif filière territoriale intégrant un meunier et un boulanger. L'analyse de ces trajectoires a permis la création d'une typologie des fermes favorisant la compréhension du rôle que joue le collectif filière territoriale dans les changements de pratiques menés par ses différents membres. Bien que les intérêts pour la participation au collectif varient entre les différents types de fermes, il ressort que le collectif donne systématiquement accès à des ressources tant commerciales, que cognitives, sociales et matérielles. De ce fait, le collectif favorise l'accès à des ressources stratégiques dans les exploitations agricoles permettant de coupler la mise en oeuvre de changements de pratiques agricoles et leur valorisation économique. Ces ressources contribuent à un changement de posture des agriculteurs au cours de leur trajectoire, passant d'un […]
De nombreux projets qualifiés aujourd'hui d'innovation sociale se développent face aux crises récentes pour répondre à différents besoins sociaux non satisfaits (logement, climat, vieillissement, inégalités, etc.). Leur nature éminemment collective implique de mieux comprendre les modalités de mise en relation des partenaires impliqués dans ces projets, ce que nous nous proposons de faire en mobilisant la méthode des chaines relationnelles. Les données collectées grâce à cette méthode mettent en évidence le recours important aux dispositifs non personnels (cercles de l'ESS et appels à projets) pour obtenir le support d'institutions (collectivités) ou d'organisations (fondations) ; les relations interpersonnelles-essentiellement professionnelles-apparaissent quant à elles mobilisées plus rarement et principalement pour accéder au monde de la recherche.
Dès les années 1950, les travaux de J.‑C. Gardin concernèrent à la fois l'archéologie et l'automatisation naissante du calcul numérique et de la documentation. En 1961, à partir de tablettes cunéiformes assyriennes documentant des relations économiques, il publia avec P. Garelli la première application automatisée de la théorie des graphes à des matériaux historiques. Elle fut ensuite largement ignorée tant en archéologie qu'en analyse de réseaux. Toutefois, depuis vingt ans, les revendications socio-épistémiques liées à la généralisation d'internet et de l'informatique (humanités numériques, archéologie computationnelle, etc.) ont accru l'intérêt porté aux travaux – jugés précurseurs – de Gardin. Fondé sur des archives et des publications, cet article défend la pertinence d'une sociologie historique du texte scientifique pour l'histoire de l'automatisation des sciences historiques. L'identification de Gardin comme précurseur influent d'une archéologie computationnelle est nuancée, en montrant que 1) malgré son accès facilité à des ressources (financières, instrumentales, etc.) alors rares et ayant pu favoriser la fondation d'une école ou d'une spécialité, il ne poursuivit pas cette ambition ; 2) les objectifs démonstratifs qu'il attribua à l'étude de 1961 du réseau économique ont varié entre les années 1960 (démontrer l'intérêt du calcul non numérique) et les années 1980 (légitimer la simulation en sciences […]